Dubaï

30 avril 2024

En mars, nous nous sommes déplacés aux Émirats Arabes Unis (EAU) pour assister à la 18ème conférence annuelle d'EFG Hermes, un événement qui réunit de nombreux investisseurs institutionnels (670) ainsi que les équipes dirigeantes de 216 entreprises principalement basées dans les pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) : Arabie saoudite, Émirats Arabes Unis, Qatar, Koweït, Bahreïn, Oman.

En 2023, la croissance économique a ralenti dans la région : d’une part, les coupes de production successives de l'OPEP+ et le ralentissement économique mondial ont entraîné une baisse de l’activité dans le secteur pétrolier. D’autre part, le conflit entre Israël et l’organisation terroriste du Hamas crée des incertitudes géopolitiques. Malgré tout, les économies du Golfe devraient rebondir cette année, portées par la croissance du secteur non pétrolier estimée à +4% en glissement annuel en 2024, soit environ le double de la moyenne mondiale. De plus, la région devient de plus en plus attractive en tant que destination d'investissement, soutenue par de solides facteurs structurels.

Tout d'abord, des réformes d'envergure ont été mises en œuvre par les pays membres du CCG avec l’objectif de promouvoir la diversification économique et une croissance durable. L’Arabie Saoudite, le Qatar et Bahreïn ont tous publié leur "Vision 2030". Les Émirats Arabes Unis ont plusieurs plans stratégiques spécifiques, tels que la Stratégie Energétique 2050, la Vision d'Abou Dhabi 2030, la Stratégie Industrielle de Dubaï 2030, etc... Alors que d'importants plans d'investissement sont élaborés dans des industries stratégiques (énergies renouvelables, digitalisation, fabrication, logistique, services financiers, tourisme...) et dans les « villes du futur », le développement du secteur privé est sur le point d'accélérer. Aussi, de nombreuses opportunités de croissance structurelle émergent dans divers secteurs pour les investisseurs à long terme.

Du point de vue démographique, la région offre une main-d'œuvre jeune et croissante (âge médian de 32 ans). De bonnes perspectives économiques et des conditions de travail plus flexibles attirent de plus en plus les étrangers (tant des cols bleus que des cols blancs) vers les pays du Golfe. En attendant, les incitations visant à encourager la participation locale et féminine (dans le cas de l'Arabie Saoudite) influent également positivement sur le marché du travail, créant ainsi un soutien à long terme pour la consommation locale. Sur les 771 000 Saoudiens arrivés sur le marché du travail entre 2017 et 2023, 481 000 sont des femmes, si bien que le taux de féminisation atteint désormais 40% de la population active contre encore 33% en 2016. Les investisseurs étrangers sont également satisfaits d'un climat plus propice aux affaires : le Qatar (2019) et les EAU (2021) ont tous deux autorisé la propriété étrangère à 100% des sociétés onshore, les EAU ont introduit de nouvelles lois sur les partenariats public-privés pour encourager la participation du secteur privé (en 2022), l'Arabie Saoudite a également initié diverses réformes pour améliorer l'environnement des affaires.

Dans la région, nous trouvons l'Arabie et les Émirats Arabes Unis particulièrement attractifs, car à court terme, les deux pourraient conduire la croissance du secteur non pétrolier, grâce à la stimulation de la demande intérieure, l’augmentation des flux de capitaux bruts et la mise en œuvre de réformes. L'Arabie semble offrir les perspectives de croissance structurelle les plus fortes alors que le royaume se modernise et diversifie très largement son économie encore très dépendante du pétrole. Les Émirats ont considérablement amélioré leur compétitivité grâce à des réformes structurelles d'envergure et pourraient continuer à bénéficier de la demande accrue en biens immobiliers et en activités de services (bien que la dynamique soit susceptible de ralentir après de récentes performances solides).

Au cours de la semaine, nous avons rencontré 28 entreprises, principalement saoudiennes (23). Dans le secteur bancaire, nous avons rencontré Al Rajhi Bank, la plus grande banque de la région MENA en termes de capitalisation boursière et le leader national dans la banque de détail, ainsi que Riyad Bank qui est la troisième plus grande banque d'Arabie saoudite et le leader dans la banque des PME. Dans le secteur de la santé, nous avons rencontré les groupes hospitaliers (MEAHCO, National Medical Care, Mouwasat Medical Services) et le détaillant pharmaceutique AL-Dawaa Medical Services, tous susceptibles de bénéficier de la demande croissante de services de santé. Dans la consommation, nous avons rencontré Americana Restaurants (KFC, Pizza Hut), Seera (holding et acteur du tourisme), Leejam Sports (centres de remise en forme), Extra (détaillant d'électronique grand public) et Jahez (livraison de repas). Dans l’IT, nous avons rencontré ELM et STC Solutions, tous deux bien positionnés pour saisir les énormes investissements de l'Arabie Saoudite dans le numérique. Dans le secteur de l'assurance, nous avons rencontré Bupa et Walaa Cooperative. Dans les transports, nous avons échangé avec les loueurs de voitures Budget et Lumi. Nous avons également discuté avec des entreprises basées aux Émirats Arabes Unis, notamment Emaar Property (immobilier), Empower et ACWA Power (distribution électrique), Abu Dhabi Ports (infrastructures et logistique). Bien que les récentes tensions géopolitiques aient créé quelques incertitudes (boycott des enseignes américaines des restaurants Americana, perturbation en Mer Rouge affectant les livraisons), le sentiment général des affaires reste assez positif. Les chefs d'entreprise ont confiance dans la direction prise par les économies du CCG. Nous constatons que les entreprises saoudiennes sont particulièrement optimistes concernant la visibilité et la durabilité des perspectives de croissance offertes par leur marché intérieur.

Focus Valeur : Riyadh Cables (Capi. Boursière : 4,2 Md$ ; CA : 2,2 Md$)

Le Groupe Riyadh Cables (RC) est le plus grand producteur de câbles du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA) en termes de capacité et de part de marché. Le groupe possède des installations de fabrication dans 4 marchés régionaux (Arabie saoudite, Émirats Arabes Unis, Koweït et Irak). Il propose des fils et des câbles basse tension destinés à un usage résidentiel et de bureau, des câbles moyenne à très haute tension utilisés dans les projets d'infrastructure de transmission et de distribution d'électricité, ainsi que des câbles d'instrumentation utilisés dans les communications. Avec une solide expérience de près de 40 ans, le groupe a construit une base clientèle large et diversifiée, comprenant les géants des services publics de la région MENA, les entrepreneurs en génie civil et les promoteurs immobiliers. Près de 70% de son chiffre d'affaires est généré en Arabie saoudite, son marché intérieur où le groupe bénéficie d'une part de marché dominante et en croissance (38% en 2023 contre 30% en 2020).

Malgré son exposition significative aux prix du cuivre/aluminium (75-80% des coûts de trésorerie), RC est capable de répercuter la plupart de l'inflation des coûts sur ses clients et de compenser la pression en développant des produits à plus forte valeur ajoutée. Ainsi, la marge brute de l'entreprise est passée à 12,4% en 2023 (contre 9,4% en 2022) malgré une croissance du chiffre d'affaires de 14%. Avec l’engagement des pays du CCG dans un important pipeline de croissance (méga-projets, transition énergétique, développement industriel, renouvellement du réseau), le groupe Riyadh Cables prévoit que le marché des fils et câbles électriques croîtra d'environ 8% par an en Arabie saoudite et d'environ 6% par an dans le reste du CCG. La société est également confiante dans la forte demande en Irak alors que la reconstruction et le développement d'après-guerre créent une énorme demande pour ses produits. Elle prévoit une croissance du bénéfice net de 10 à 15% en 2024.

Focus Valeur : Leejam Sports (Capi. Boursière : 3,3 Md$ ; CA : 400M$)

Fondée en 2008 et cotée à la bourse de Ryadh en 2018, Leejam Sports est un opérateur de centres de fitness essentiellement présent en Arabie Saoudite (97% du chiffre d'affaires), et aux Émirats Arabes Unis. Avec ses 173 clubs de sport proposant une gamme de prix variée, Leejam occupe une position dominante sur le marché (40% de part de marché). L'entreprise bénéficie de tendances porteuses structurellement solides, avec notamment une population jeune et aisée, un taux de pénétration croissant des salles de sport (seulement 6% pour le moment) et un soutien fort de la part du gouvernement (l'Arabie saoudite ambitionne de tripler son secteur des sports de 26,5 MdSAR en 2022 à 83 MdSAR d'ici 2030). La société est également bien positionnée pour consolider le marché, étant donné le nombre élevé de clubs indépendants en Arabie Saoudite (plus de 1000). Nous sommes particulièrement impressionnés par la qualité de l’execution du management. Alors que la direction vise à renforcer sa marque dans le domaine du sport et du bien-être en lançant des services adjacents (services sportifs ciblés pour les enfants, bien-être, nutrition, etc.), diverses initiatives ont également été lancées pour améliorer l'offre de base des salles de sport. Par exemple, afin de réduire la saisonnalité (le troisième trimestre est clé dans l'acquisition de membres), Leejam a exploré des opportunités sur le segment des entreprises (les 1,5 millions d'employés du gouvernement étant la cible principale), des grandes organisations (plus de 10 000), des étudiants (plus de 500 000) et des retraités (1,6 million). Elle a introduit de nouvelles durées d'adhésion (4 et 9 mois), des options variées de paiement et des horaires d’ouverture étendus (50 clubs fonctionnant 24/7). Elle vient en outre de mener une autre campagne réussie le jour de la fête nationale. La direction est confiante dans la poursuite de l'expansion de son réseau de salles (elle vise 250 clubs et 500 000 membres d'ici 2025), qui permettrait à son BPA de croitre de 17% par an sur les 3 prochaines années.

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