Début décembre, nous avons passé une semaine en Inde (Mumbai, Delhi et Lucknow, Uttar Pradesh) pour visiter des entreprises.
À Mumbai, nous avons rencontré les CEO et CFO de State Bank of India, ICICI Bank, et sa filiale ICICI Pru, HDFC Ltd. et sa filiale bancaire HDFC Bank. Les trois groupes bancaires connaissent une demande de prêts vigoureuse et devraient être en mesure de prospérer dans cycle de crédit alimenté par un nouveau cycle immobilier (doublement de la contribution du secteur immobilier au PIB (de 7% actuellement à près de 15% en 2026), meilleure accessibilité). Leurs créances douteuses se situent à un bas niveau et ne montrent jusqu'à présent aucun signe de détérioration malgré la hausse des taux d'intérêt. En revanche, les marges nettes d'intérêt pourraient connaître une certaine érosion, du fait de la hausse des taux de dépôt. Par exemple, HDFC Bank a augmenté ses taux de dépôt de 210 pb par rapport à leur niveau le plus bas. Ils sont désormais à leur plus haut niveau depuis trois ans (7% dans la tranche des 1 à 3 ans). Notons que la RBI (banque centrale indienne) a augmenté le taux d'escompte de 225 pb par rapport à son point bas. La croissance globable des prêts et des bénéfices devrait atteindre 20% par an au cours des deux prochaines années. Le ROA devrait rester à 2%. Le P/BV n'est cependant pas bon marché (2,8x pour ICICI Bank et HDFC Bank). Nous restons optimistes sur le secteur (5% de GemEquity) et préférons les entités privées telles que ICICI et HDFC Bank à State Bank of India dont le capital Tier1 semble un peu faible. La fusion entre la HDFC Bank et sa société holding HDFC Ltd. (spécialisée dans les prêts hypothécaires et les prêts aux promoteurs immobiliers) se déroule plus rapidement que prévu et les sources de synergies sont nombreuses. HDFC nous a rappelé que la pénétration actuelle des prêts hypothécaires est très faible, à peine 11% du PIB. Avec 2/3 de la population âgée de moins de 35 ans, il y a une demande massive à venir. Nous avouns également rencontré Larsen & Toubro, la plus grande entreprise indienne d'ingénierie civile (active en Inde et au Moyen-Orient), Le Groupe Birla (le plus grand producteur de ciment avec sa filiale Ultratech et le plus grand producteur d'aluminium avec Hindalco), Asian Paints (le plus grand fabricant de peinture du sous-continent), Marico (fabricant de produits de grande consommation, leader dans le domaine de l'huile de noix de coco; de l'huile alimentaire et de l'huile capillaire à valeur ajoutée), Maruti Suzuki (45% du marché indien des véhicules de tourisme) et Indian Hotels (propriétaire du célèbre groupe hôtelier Taj Mahal et propriété du groupe Tata). À Delhi/Nodia, nous avons rencontré les dirigeants de Max Healthcare (l'une des chaînes d'hôpitaux les plus dynamiques du pays), Dabur (spécialiste des produits ayurvédiques), Dixon Technologies (fabricant d'appareils électroniques grand public, d'appareils ménagers et de smartphones) et les leaders de la nouvelle économie Delhivery (plateforme logistique) et Zomato (plateforme de commande et de livraison de nourriture). Enfin, nous avons rendu visite aux magasins BIBA (vêtements pour femmes) et Tarnishq (marque de joaillerie de Titan (groupe Tata).
Focus macro pays :
Au cours de ce voyage, nous avons également rencontré Dr V Anantha Nageswaran, le conseiller économique principal du gouvernement indien. Dr Anantha nous a expliqué que les nombreuses réformes mises en place ces dernières années (droit des faillites, code de réhabilitation immobilière, TVA, forte inclusion financière post démonétisation et mise en place de l'interface de paiements unifiés (UPI)) ajoutent environ 100 pb au taux de croissance structurelle du PIB. De plus, le secteur immobilier, après une longue période de stagnation (effondrement de la société financière IL&FS en 2018), est beaucoup plus sain désormais avec un niveau d'endettement beaucoup plus faible. Un cycle haussier dans ce secteur alimente la croissance de l'économie. Enfin, le secteur manufacturier devrait être stimulé par diverses subventions publiques, notamment le régime PLI (Production Linked Incentive Scheme). Compte tenu de tous ces facteurs, la croissance structurelle pourrait atteindre 12% en nominal et 7% en réel par an au cours des cinq prochaines années. A plus cout terme cependant, la hausse du prix du pétrole, l'inflation et l'augmentation des taux d'intérêt sont des vents contraires. Ils affectent la demande rurale notamment. Néanmoins l'inflation commence à ralentir. La RBI a relevé son taux directeur de 225 pb et devrait continuer à le resserrer jusqu'à mi-2023. Cependant, les catalyseurs de la croissance sont en place avec l'amélioration du bilan des banques et des entreprises. D'ici fin 2023, les dépenses liées aux élections (élections générales prévues mi-2024) devraient alimenter la consommation rurale.
Nous avons également passé une journée à Lucknow, capitale de l'Uttar Pradesh. L'état est le plus peuplé en Inde avec 230M d'habitants, le plus grand producteur de produits agricoles et aussi l'un des états les plus pauvres. Il s'agit de la troisième économie du pays et il contribue à 8-10% du PIB national (330 Md$). Son PIB par habitant a augmenté de 20% par an au cours des cinq dernières années. Nous avons eu la chance de rencontrer le "Chief Minister" de l'Etat, Shri Yogi Adityanath. Shri Yogi, une personne clé au sein du BJP, le parti au pouvoir, est pressenti pour être le successeur du Premier Ministre Modi après son troisième mandat. A horizon 5 ans, son objectif pour l'Uttar Pradesh est de développer les infrastructures (aéroports, autoroutes, voies navigables) afin d'attirer les entreprises et d'atteindre un millard de dollars de PIB.
Focus Immobilier : Vers un cycle haussier : meilleure accessibilité / faibles stocks
Focus ESG: Objectifs climatiques : où en est l'Inde ?
La contribution historique de l'Inde aux émissions de GES (1850 - 2019) est de 4% environ vs. une part de 17% de la population mondiale. Par conséquent, l'Inde n'a utilisé qu'une part minime de son "budget carbone mondial". Selon les données du Global Carbon Project, l'Inde est aujourd'hui le troisième plus grand émetteur de carbone (derrière la Chine et les États-Unis), avec une émission totale de 2,7 GtCO2 (8% des émissions mondiales) enregistrée en 2021. Toutefois, par habitant, les émissions de l'Inde sont inférieures d'environ 60% à la moyenne mondiale. Sur la route du net zéro carbone (objectif 2070), Le pays s'est engagé à atteindre trois objectifs d'ici 2030 : 1/ Réduire l'intensité des émissions de son PIB de 45% par rapport au niveau de 2005; 2/ Atteindre une capacité de production cumulée de 50% à partir de combustibles non fossiles; et 3/ Créer un puits de carbone supplémentaire de 2,5-3 GtCO2 eq grâce à une couverture forestière et arborée supplémentaire. Entre 2005 et 2016, l'Inde a réduit de 24% l'intensité de ses émissions (sur la base des communications de la CCNUCC) et est en bonne voie pour atteindre son objectif de réduction de 45% à 2030. Sa production à partir de combustibles non fossiles (y compris l'hydroéléctrique) s'élevait en mars 2022 à 157 GW, soit 40% de la capacité de production totale installée. La capacité renouvelable (hors hydro) a augmenté d'environ 16% par an au cours de la dernière décennie, grâce à l'augmentation du solaire. Des subventions, des taux d'imposition préférentiels et des droits d'importation élevés ont été mis en place pour aider les fabricants locaux. Un accès plus facile au capital et des subventions d'investissement dans les réseaux de transport d'énergie renouvelable ont été mis en place pour les producteurs, tout comme des obligations d'achat pour les fournisseurs et des aides pour les consommateurs.
Focus valeur : Indian Hotels Co Ltd. - CA 700M$ - Capitalisation boursière 5,7Md$
Filiale du Groupe Tata (36%), Indian Hotels Co est le plus grand groupe hôtelier indien. L'entreprise est présente sur tous les segments : hôtels, services de maisons d'hôtes, restaurants et restauration aérienne. Il possède des marques clès telles que TAJ, SeleQtions, Vivanta, Ginger, Ama, Chambers et Qmin. Le groupe gère 247 hôtels et ouvre 1,5 établissements par mois. Le nombre total de chambres est de 21 000 dont 15% à l'étranger et 85% en Inde.
Le PDG Puneet Chhatwal et le CFO Giridhar Sanjeevi s'attendent à ce que la demande d'hôtel de marque (5% des 3,3M de chambres d'hôtel disponibles en Inde) connaisse une croissance annuelle de 12%. Il s'attend à ce que le prix moyen des nuitées (ARR) continue d'augmenter au cours des prochaines années. La stratégie du groupe repose sur quatre piliers : 1/ Atteindre un total de plus de 300 hôtels; 2/ Atteindre une marge EBITDA consolidée de 33% (contre 20-25% actuellement) avec 35% de l'EBITDA provenant des contrats de gestion et des nouvelles activités; 3/ Atteindre un ratio de 50:50 entre les chambres en propriété/location longue durée et les chambres en contrat de gestion et 4/ Maintenir un bilan sans dette. Ainsi, la société poursuit ses efforts pour tirer parti de sa marque dans ses nouveaux segments d'activité, et pour optimiser sa structure de coûts dans l'expansion de son portefeuille. Le pipeline (jusqu'en 2027) comprend 65 hôtels (+8 300 chambres soit +7% par an). La direction mise sur Ginger, sa marque de milieu de gamme supérieure, comme prochain moteur de croissance. Une augmentation significative sur ce segment devrait augmenter le tarif moyen global de ses nuitées (ARR). Selon la direction, le taux d'occupation et les tarifs des chambres observés jusqu'à présent ce trimestre (haute saison) indiquent que le RevPAR connaît une croissance à deux chiffres par rapport à la période similaire observée avant la COVID. Le chiffre d'affaires continue d'être "drivé" par des tarifs plus élevés et une offre inférieure à la demande. En ce qui concerne l'année prochaine, la direction souligne certains des leviers possibles : la reprise du tourisme international (
plus profitable que le tourime local). Pré-COVID, le tourisme international représentait 30 à 35% des recettes. Aujourd'hui, nous en sommes encore loin. La direction estime qu'il n'a retrouvé qu'environ 50 à 60% de son niveau pré-COVID. Le fait que l'Inde assure la présidence du G20 du 22 décembre 2022 au 23 novembre 2023 pourrait donner un élan supplémentaire à la demande. Enfin, l'Inde accueillera la Coupe du monde de cricket en octobre et novembre 2023.
Au niveau de l'industrie, les perspectives à moyen terme restent solides, soutenues par une équation offre-demande favorable. La capacité devrait augmenter de 5% par an au cours des prochaines années, principalement en raison de la conversion d'hôtels non "brandés", ce qui signifie que la croissance réelle de la capacité pourrait être encore plus faible. L'augmentation de la capacité est limitée par le coût élevé de la construction. D'un point de vue financier, nous nous attendons à ce que la société génère des FCF annuels (post capex) d'environ 150 M$ au cours des 3 prochaines années. Bien qu'une partie de ce montant puisse être distribuée en dividende, l'utilisation des FCF pour améliorer les ratios de rendement sera un élément clé à surveiller. En septembre, la société dispose de 50 M$ de liquidités. La valeur de la marque, la trésorerie nette et la gouvernance Tata font que le titre se négocie à un multiple élevé (27x EV/EBITDA). Nous serons acheteurs sur faiblesse.