Kate Wang a grandi dans la ville de Xi’an, dans le centre de la Chine, où reposent les célèbres statues de terre cuite.

Wang décrit ces années passées dans sa ville natale comme paisible. En 2005, elle y obtient un diplôme en finance à l’Université de Xi’an Jiaotong. Sa carrière débute en tant que stagiaire en gestion chez le géant Procter & Gamble à Guangzhou. Elle y passe trois ans en tant que chef de projet dans le secteur de la beauté avant de s’envoler pour Hong Kong, où elle co-fonde une petite société d’investissement. L’entrepreneuse a vite envie d’ailleurs et s’expatrie à New York pour suivre un MBA à la Columbia Business School. Elle découvre alors un univers totalement différent, rempli d’opportunités nouvelles qui modifient son état d’esprit.

Wang revient en Chine et passe un an au cabinet de conseil Bain & Co. à Pékin.

Elle reste ensuite quatre ans chez Uber Chine et le service de covoiturage chinois Didi Chuxing, qui fusionne avec les activités chinoises d’Uber en 2016. Le challenge est alors grand, peu de personnes connaissent le service et les chauffeurs ne sont pas intéressés à devenir partenaires. Wang y développe son esprit entrepreneurial et prouve son leadership. L’année 2017 signe un tournant pour la femme d’affaires. La cigarette électronique est alors bien développée aux Etats-Unis mais très peu en Chine : moins de 0,5% des 300M de fumeurs du pays utilisent des vapoteurs. Sa mère, fumeuse, a alors du mal à arrêter de fumer. Pire encore, son père fume deux paquets par jour et met en danger sa santé.

Wang ne tarde pas à y voir une opportunité.

Plutôt que d’inciter les fumeurs à l’arrêt du tabac, elle songe au développement d’ecigarettes pouvant plaire aux anciennes générations comme aux nouvelles. Elle quitte Didi et lance l’entreprise RLX en janvier 2018 en s’associant à cinq de ses anciens collègues. Elle utilise en premier lieu le financement participatif via la plateforme JD.com puis lève 6M$ via les sociétés IDG Capital et Source Code Capital. RLX propose alors des vapes élégantes et faciles à utiliser avec une large gamme de saveurs, notamment des goûts originaux conçus pour évoquer la nostalgie pour les utilisateurs plus âgés. L’entreprise embauche des jeunes diplômés et se présente comme une start-up technologique, s’approvisionnant auprès de partenaires tels que Smoore, le plus grand fabricant mondial d’appareils de vapotage. À l’époque, le marché en Chine est presque entièrement non réglementé, contrairement aux cigarettes, et RLX connaît une croissance exponentielle. En trois ans d’existence, l’entreprise conquiert 60% du marché chinois. En avril 2019, RLX lève 75M$ dans un tour de table entre Sequoia China et l’investisseur milliardaire Yuri Milner. En septembre de la même année, la société ouvre une usine tentaculaire de 4000 travailleurs dans la ville de Shenzhen. La société est côtée à la Bourse de New York depuis janvier 2021.

Et pourtant tout n’a pas été simple. En 2019, le régulateur chinois se penche sur les e-cigarettes et interdit la vente en ligne pour prévenir le vapotage des mineurs.

Wang change alors de stratégie et ouvre un grand magasin à Shanghai qui complète son réseau de plus de 5 000 points de vente dans 250 villes en Chine. La société installe également une technologie de reconnaissance faciale afin d’empêcher les mineurs de faire des achats dans ses points de vente. Après avoir surmonté ce défi, Wang doit maintenant convaincre les investisseurs que le gouvernement chinois ne cherchera pas à prendre le contrôle de l’industrie de la cigarette électronique pour lui-même. La milliardaire de 39 ans semble confiante sur le fait d’emmener sa jeune entreprise vers de nouveaux sommets. Wang a notamment anticipé en créant un laboratoire de recherche sur les effets du vapotage et le devéloppement de nouvelles technologies. Le marché des 308M de fumeurs chinois a pour le moment de beaux jours devant lui et pourrait être le prochain grand marché de la cigarette électronique. Wang vit à Pékin et détient 20% de RLX technology. L’entrepreneur est une grande lectrice, particulièrement fan de l’ouvrage « l’art d’aimer » du philosophe Eric Fromm.