HONG KONG & CHINE

01 octobre 2019

Au cours du mois de septembre, la moitié de l’équipe de gestion s’est rendue à Hong Kong et en Chine (Shanghai, Guangzhou et Shenzhen).

Nous avons tout d’abord participé à la traditionnelle conférence investisseurs du courtier CLSA à Hong Kong (1200 investisseurs, 310 entreprises, environ 20% de participants en moins du fait des manifestations à Hong Kong) où nous avons rencontré 38 entreprises asiatiques: 24 chinoises dont China Mobile et China Telecom avec qui nous avons évoqué l’avènement de la 5G; 5 taiwanaises dont TSMC (5% de GemEquity, notre principal bénéficiaire de la 5G), Mediatek (design de puces électroniques), Yageo (composants passifs), Giant Manufacturing (bicyclettes) et Airtac (automatisation industrielle) et quelques sociétés coréennes comme Samsung Biologics, SEMCO (composants passifs) et enfin les deux fabricants de batteries LG Chem et Samsung SDI. Indéniablement, la Chine est en passe d’accélérer le développement de la 5G, ce qui est positif pour de nombreuses sociétés technologiques de la région. Elle a également la volonté d’internaliser la technologie afin de réduire à terme sa dépendance vis-à-vis des entreprises étrangères. Nous avons également échangé avec diverses personnalités (économistes, spécialistes des relations internationales, experts dans les nouvelles technologies, etc…).  

Au niveau macro, les deux grands sujets évoqués ont été les tensions sino-américaines et la situation politique à Hong Kong.

Sur le premier sujet, Kevin Rudd, ex premier ministre australien (2007-2010, 2013), actuellement président de l’Asian Society Policy Institute à New York et grand spécialiste de la Chine (courant en Mandarin) nous a fait part de son analyse. Selon lui, l’objectif central du Président Xi Jinping est de renforcer le pouvoir du PCC dans la perspective de son centenaire en 2021. Pour ce faire, le Parti doit délivrer une croissance économique stable et l’élévation progressive du niveau de vie des Chinois. A plus court terme (d’ici la fin de l’année), M. Rudd s’attend à un accord a minima entre la Chine et les Etats Unis. Son argument est le pragmatisme économique. En effet, les deux géants mondiaux ralentissent et l’incertitude commerciale actuelle accentue les risques d’une récession en 2020. Par ailleurs, le départ de John Bolton du gouvernement américain favorise la voie de la conciliation. En revanche, cet optimisme ne semble pas être partagé par les investisseurs que nous avons rencontrés. 
Sur le second sujet, le sentiment est indéniablement confus. Nos contacts hong-kongais, résidents permanents de la zone économique spéciale, sont relativement pessimistes et estiment que la situation va perdurer et affecter durablement l’économie locale. Certains y voient même la main de la CIA dont le but serait de pousser Pékin à intervenir militairement et par là même à se discréditer sur le plan international. Pour notre part, nous y voyons une certaine crise d’identité. Les jeunes hong-kongais ont du mal à entrevoir leur avenir dans l’ensemble chinois (coûts immobiliers très élevés, opportunités de travail réduites du fait de la concurrence chinoise, etc...). Beaucoup d’entre eux ne se sentent pas appartenir à la Chine. Il faut bien sûr rappeler que l’importance relative du territoire s’est considérablement réduite. De 28% du PIB chinois en 1997, le poids de Hong Kong est aujourd’hui d’environ 2,5%. Au regard de la forte croissance de la Chine, cette évolution était inévitable et devrait continuer. Du point de vue de Pékin, on s’étonne du comportement d’«enfants gâtés» des jeunes manifestants et préfère ne pas intervenir pour le moment, laissant aux autorités locales le soin de régler le problème, ce qu’elles ont beaucoup de mal à faire (voir les tergiversations sur la loi d’extradition finalement abandonnée). En attendant, l’impact local est réel. Les restaurants sont souvent videset les boutiques désertées, les touristes chinois sont absents. Aussi l’économie, déjà affectée par les tensions commerciales entre les États Unis et la Chine, prend là une double peine. Il convient d’être prudent à court terme sur l’immobilier dont les prix pour le moment ne sont que peu affectés. Nous avons ensuite poursuivi notre voyage en Chine où nous avons rendu visite à 13 sociétés (Shanghai, Guangzhou, Shunde, Zhongshan et Shenzhen) et participé au salon des nouvelles technologies appliquées à l’industrie, le China International Industry Fair à Shanghai. De nombreuses entreprises chinoises y avaient leur stand. Nous avons ainsi pu apprécier l’avancement de celles-ci dans la 5G, l’automatisation, la découpe laser et les robots. Indéniablement, l’émergence de champions techno chinois est en marche et les tension sino-US semble accélérer ce mouvement d’«internalisation». A Shanghai, nous avons visité les nouvelles entreprises du Net telles que Bilibili (site de partage de vidéos comme Youtube crée en 2010), Baozun (créée en 2007, société de service qui assiste les entreprises dans leur stratégie: marketing e-commerce, distribution, logistique) et Pinduoduo (créée en 2015, désormais le 3ème site de e-commerce après Alibaba et JD.com, spécialisé dans la vente à bas prix). Nous avons également rencontré Wuxi Biotech, leader chinois dans la biotechnologie. Dans le Guangdong et à Shenzhen, nous avons visité Baoyunport (l’opérateur de l’aéroport de Guangzhou), Sofieya Home (meubles sur mesure), Jonjee High tech (sauce soja), Midea (produits blancs et propriétaire de l’allemand Kuka), Tencent Music (Spotify chinois), Han’s Laser (machines de découpe laser), Ping An Group (2nd groupe d’assurances chinois), et Kingdee (fournisseur de logiciel type ERP). A Guangzhou, l’aéroport flambant neuf est un bijou de technologie. Sa capacité théorique (80M de passagers) ainsi que son trafic actuel (70M) est similaire à CDG. À Shenzhen, on ne peut qu’être admiratif devant le miracle économique de cette zone spéciale. Les sièges sociaux de Tencent, de Ping An Insurance et de nombreuses entreprises technologiques dominent le centre-ville et contribuent à une création de richesse sans précédent. Shenzhen mérite définitivement son surnom de Silicon Valley chinoise.

Focus Valeur: Medatek (chiffre d’affaires de 8 Md$, capitalisation boursière de 20 Md$)

Le taiwanais Mediatek, l’un des concurrents de Qualcomm dans le design de puces électroniques est l’un des principaux gagnants du développement de la 5G en Chine. Paradoxalement, la société devrait bénéficier des tensions sino-américaines dans la technologie. En effet, elle pourrait être avantagée politiquement face à ses concurrents américains. 1/3 du chiffre d’affaires provient des smartphones (solutions 3G, 4G actuellement); 1/3 des solutions innovantes (objets connectés, smart speakers) et 1/3 des plateformes matures (TV, téléphones 2G). Lors du lancement de la 4G en 2014, Qualcomm avait non seulement un an d’avance technologique sur Mediatek mais en plus avait adopté une politique de bas prix, ce qui lui avait permis de remporter le marché chinois. La marge brute du taiwanais était alors passée de 48% en 2014 à 35% en 2016-17. Depuis, les ingénieurs de Mediatek ont mis les bouchées doubles afin de ne pas rater l’opportunité offerte par la 5G. La société investit 25% de son revenu en R&D. Pari réussi car la première solution intégrant modem et système opérationnel (dite SoC - System on Chip) sera disponible dès le 1er trimestre 2020 à 60$ (vs. 10$ pour le SoC 4G actuellement). La solution est 40% moins chère que Qualcomm et arrive juste au moment où la demande chinoise explose littéralement. L’essentiel de la clientèle de Mediatek se trouve en Chine : Xiaomi, Oppo et Vivo. Huawei, quant à lui, favorise initialement sa solution interne mais pourrait adopter la solution Mediatek dans un second temps. Sur les 1,4 milliards de smartphone vendus en 2019, seulement 25M seront 5G. Ce chiffre devrait multiplier par 10 en 2020 à 250M, dont 60% par les marques chinoises. Et il y a de fortes chances que le taiwanais en soit un des principaux bénéficiaires. Cela se traduira par une accélération de la croissance et de meilleures marges. Le marché attend actuellement 26% de croissance bénéficiaire en 2020, avec un risque de révision à la hausse. On mesure encore mal l’impact de la 5G sur les objets connectés, l’automobile et les autres secteurs innovants (1/3 du CA de Mediatek). Le titre se traite avec un PER 2020 de 20x. Attractif.

Focus Valeur : Luckin Coffee (chiffre d’affaires de 700 M$, capitalisation boursière de 5 Md$)

Ah, un café en Chine ça se mérite. Et oui ! Car sans solution de paiement mobile, sans application installée sur son smartphone, on ne pouvait nous servir. Heureusement nous étions accompagnés par un contact local. C’est la stratégie de vente du principal concurrent de Starbucks: Luckin Coffee. Une société créé en 2017, cotée en bourse en mai 2019 (levée de 645M$) et qui ambitionne d’atteindre 4 500 points de vente d’ici la fin de cette année (3 000 atteints au 2T19)! Surtout localisés en bas d’immeubles de bureaux. Le marché de café s’approche des 10Md$ en Chine, en croissance de 30% par an en moyenne depuis 6 ans. Les chinois boivent en moyenne 6 tasses de café par an, bien inférieur aux 200 cafés consommés au Japon, un pays aux habitudes de consommation assez similaires. Inutile de souligner que le potentiel de croissance est immense. Le marché est très fragmenté: 120 000 points de vente en tout selon Frost & Sullivan en 2018, dont seulement 5% sont assurés par des chaines à marque telles que Starbucks, Luckin, McCafé, Costa Coffee, Pacific Coffee. Comme on peut le voir ci-dessous la croissance de Luckin est fulgurante. Avant l’ouverture du premier magasin, la société a travailé un an sur le développement de l’application. Selon la PDG Mme Jenny Qian, 100 ingénieurs l’avaient suivi au départ de son ancien employeur CAR Inc (société de location de voiture) et 400 supplémentaires ont été rapidement embauchés. Car l’application est au cœur du business modèle. Elle permet de collecter les données sur les habitudes d’achat des consommateurs, leur vendre des produits annexes (nourriture, thé, etc.) et ainsi afiner la politique promotionnelle. Le prix moyen d’une tasse de café est actuellement de 16RMB (2$) vs. 30RMB (4$) pour Starbucks. La société travaille avec Louis Dreyfus et Mitsui pour la livraison d’Arabica et achète les machines à café en Suisse. La direction prévoit d’investir davantage dans le marketing au 2S19 afin de renforcer la notoriété de la marque auprès des consommateurs. C’est aussi la raison du déploiement rapide des points de vente physiques. La société affiche encore des pertes mais la direction estime qu’elle sera rentable dès 2020. La plateforme compte déjà plus de 20M de clients. Une histoire à suivre.

Focus Valeur : Baozun (chiffre d’affaires de 1 Md$, capitalisation boursière de 3 Md$) 

Baozun est la vitrine des marques étrangères sur internet en Chine. Fondée en 2007 à Shanghai et cotée au NASDAQ en 2015, la société travaille actuellement avec plus de 200 marques dans le prêt-à-porter, les produits cosmétiques et électroniques, le mobilier. Les fondateurs Vincent Qiu et Junhua Wu (6% du capital mais 32% des droits de votes) partagent l’actionnariat avec des sociétés de renom telles qu’Alibaba (15% du capital, 7% des droits de vote) et Softbank (12% et 7% respectivement). Baozun accompagne l’ambition d’Alibaba de favoriser 200Md$ d’importation de marques étrangères d’ici 2023 sur TMall en Chine. Le niveau de pénétration étant encore faible, la croissance affichée est très forte: la valeur marchande brute (VMB) est en hausse de +55% sur les douze derniers mois et s’établit à 6Md$ (12 mois à fin juin 2019). L’offre de services de Baozun comprend stratégie marketing, gestion de magasins virtuels, solutions de stockage. L’idée est de connecter la marque avec le client chinois et l’aider à se développer. La direction de Baozun prévoit d’ajouter 30 à 40 marques par an et d’étendre le spectre des catégories sur lesquelles elle est active. En 2018 le prêt-à-porter représentait 50% de la VMB et les articles de sport entre 20 et 30%. On attend un CA en croissance de 30% sur les 3 prochaines années, avec 40% de croissance bénéficiaire. L’effet d’échelle jouant en sa faveur, la marge opérationnelle devrait passer de 8% en 2018 à 13% d’ici 2021. La rentabilité sur fonds propres est saine, à 24%, et devrait progresser. Le titre se traite avec un PER20 de 24x, attractif au vu de la croissance bénéficiaire.

 

 

 

 

 

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